Deuxième partie de la série Au programme, avec le projet du candidat de l’UDF.
François Bayrou en avait fait un cheval de bataille dès la campagne de 2007, il réitère son engagement de réduire la dette : le déficit zéro est cette fois promis pour 2016 et l’inscription dans la constitution de la règle d’or (une appellation beaucoup plus méritée qu’on ne le pense vu qu’elle nous fait retourner au temps de l’étalon-or, lorsque le budget public était « à sec » pour financer la croissance ou stabiliser les récessions voire les dépressions…). Il ne précise pas ce qu’il entend exactement par « règle d’or » et s’est abstenu de voter pour celle de juillet 2011. Je suppose donc que Bayrou est un dur, et ne veut pas de la version édulcorée de l’année dernière (qui prévoit, par exemple, que le sauvetage de la Grèce ne fasse pas partie du déficit, on ne sait pourquoi, ou plutôt on sait trop bien pourquoi).
Nous supposerons donc que Bayrou, sincèrement convaincu qu’il faille supprimer d’autorité le déficit public, veut rien de moins que toutes les dépenses de l’État, incluant la charge de la dette, doivent avoir leur contrepartie en recettes pour le Trésor. Pour la méthode, Bayrou choisit à moitié la réduction des dépenses publiques, et à moitié l’augmentation des impôts, et il tient à nous le faire savoir. Centriste un jour, centriste toujours.
En supposant qu’il y parvienne, qui fera les déficits nécessaires au fonctionnement de l’économie ? Par nécessité logique, Bayrou obligera l’économie française à croître par l’exportation. Or, Bayrou est favorable à l’euro et au libre-échange. Tout au plus favorise-t-il un patriotisme du consommateur avec le « fabriqué en France ». Il n’y a par exemple, aucune mesure prévue contre l’Allemagne, avec laquelle nous ne pouvons dévaluer, puisque tous deux au sein de l’euro. Le reste du monde, notamment les États-Unis ne se laisseront pas faire facilement et font déjà du protectionnisme notamment par le taux de change, tel le Royaume-Uni près de chez nous qui a dévalué de 30 % la livre sterling en 2008. Enfin, les autres membres de la zone euro seront sans nul doute contraints à la même rigueur, comme les Grecs. La bataille pour exporter à la place de son voisin sera donc acharné : chacun voulant arracher la maigre émission monétaire étrangère sans en faire une de son côté. Le pire, c’est que, même en supposant que ça réussisse, nous aurons pour cela bradé nos biens et nos services en faveur du train de vie d’étrangers, c’est-à-dire de personnes qui ne nous retournerons pas facilement leur prospérité à laquelle nous aurons durement contribué.
Ça n’apportera même pas la croissance. Cette stratégie, l’Allemagne la tente déjà depuis quelques années, et selon l’OCDE, le PIB réel de l’Allemagne a cru de 1,0 % en moyenne de 2003 à 2010 contre 1,1 % pour la France, ou 0,9 % pour le Japon qui a la même stratégie que l’Allemagne et pouvant dévaluer son yen. Mirobolant (un excellent article éventant le mythe allemand, via le manifeste pour un débat sur le libre-échange). Il faut encore intégrer dans cet état de fait qu’il y aura alors encore moins de déficits publics à travers le monde à se départager, donc, ce chiffre famélique est encore à réviser à la baisse, et rien ne garantit qu’il ne deviendra pas négatif.
On peut estimer que Bayrou, centriste, infléchira sa politique suite aux déconvenues. J’en doute : Bayrou n’est pas de ces centristes qui renient beaucoup pour une alliance, au contraire, il a abondamment prouvé préférer la solitude et ses convictions à l’exercice du pouvoir. Ne serait-ce que par son sens de l’honneur donc, il est susceptible d’attendre la fin de son quinquennat pour réaliser son erreur. En plus, Bayrou est convaincu par l’Europe, et notamment l’euro. Or, comme on pet le constater entre la Grèce et l’Allemagne, qu’un pays puisse s’octroyer le seigneuriage afférant au déficit public alors que d’autres s’en prive est tabou dans le fonctionnement de l’euro. Donc, il sacrifiera les nécessités monétaires aussi par européisme. Enfin, les personnes qu’il est susceptible de recruter, tant au centre-droit qu’au centre gauche, partagent ces mêmes convictions, et ne pourront donc le corriger par leur influence.
Conclusion
François Bayrou se présente comme un candidat anti-système, mais il est extrêmement conformiste sur les questions monétaires, n’ayant comme différence avec les deux partis dominants que de vouloir être le premier de la classe, sans comprendre que le professeur libéral lui raconte des inepties. On ne peut donc voter pour lui au nom du néochartalisme. Sur le plan strictement économique, il s’en sort mieux que Nathalie Arthaud, mais faire pire eût été une prouesse.