Voici le premier billet de la série Au programme concernant les projets monétaires des candidats aux présidentielles de 2012 :
En consultant le programme de Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte Ouvrière, on trouve un début de réponse quant à son positionnement par rapport au néochartalisme dans la partie concernant la dette publique.
Les propositions de Nathalie Arthaud sont peu claires et consistent souvent en dénonciations virulentes du fonctionnement actuel, sans pour autant passer le cap d’une alternative clairement structurée et argumentée. Comme elle l’affirme crument, à strictement parler, elle n’a « pas de programme pour cette élection », et on observe la description véhémente d’une sorte de grande revanche fantasmatique où les riches seraient à leur tour les exploités, et où les ouvriers s’organiseraient comme par enchantement, le communisme n’ayant en somme qu’attendu d’être débarrassé de la classe politique actuelle pour advenir. Mais aucune société n’a jusqu’ici pu conjuguer une prospérité comme la nôtre sans centres décisionnels ni hiérarchie. Ainsi, sur la question de la dette publique, Arthaud se contente de dénoncer les abus actuels, souvent avec raisons d’ailleurs, mais sans beaucoup d’analyses et finit avec un assez désinvolte, pour un éventuel chef d’État, « Les classes populaires n’ont pas à payer cette dette qui n’est pas la leur. Elles n’ont pas à accepter les coupes dans les services publics, l’augmentation des impôts ni la baisse de leur pouvoir d’achat. C’est aux capitalistes et aux banquiers de rembourser leur dette. ». Quelques précisions : sur l’Europe, Arthaud dénonce la construction européenne actuelle, mais juge que « L’unification réelle de l’Europe est une nécessité, et c’est l’avenir », nous supposerons donc, faute de précision, qu’elle conserve l’euro, instrument indispensable d’un État unifié, et cela bien qu’elle semble n’avoir aucune réflexion personnelle approfondie sur ce point, ou refuse d’en faire part. Faisons abstraction du reste, et suivons comment concrètement se déroulerait une telle politique.
Arthaud devenue présidente décrète qu’un certain pourcentage voire la totalité de la dette publique est effacé, purement et simplement. Le déficit public chute du montant du service de la dette, actuellement le premier poste budgétaire de l’État, sans incidence directe pour la vaste majorité de la population. Les banquiers, qui calculent leur bilans au plus juste, et même plus que juste depuis plusieurs années, perdent donc une source importante de leurs revenus, malgré qu’ils aient décaissé une partie de leur réserves vers le Trésor lors de l’émission de cette dette. Ça déclencherait un effondrement bancaire. Comme la dette de la France est détenue pour les deux-tiers par des investisseurs étrangers et que le système financier est très mondialisé, la crise bancaire ne manquera pas de se diffuser au-delà des frontières françaises.
Là intervient une autre proposition qui défile parmi d’autres dans le bandeau-titre du site : « Il faut exproprier les banquiers et rassembler toutes les banques dans un seul établissement public ». Conséquence de toute façon de fait inévitable après une telle crise. Parvenu à ce point, l’eurosystème expulse la France dans l’urgence, si ça n’avait pas déjà été fait et si la zone euro existe toujours. Mais la question demeure et d’autres s’ajoutent : Quelles sont les règles de financement des dépenses publiques ? Comment gère-t-on politiquement d’avoir précipité les autres pays dans la crise ? Comment assure-t-on la stabilité des prix ? Le plein emploi ? Pour ce dernier point, l’activisme à tout va affiché par Arthaud suggère de grands travaux publics, pour de « nouveaux services publics » ou la construction de 500 000 logements sociaux par an. Pour le financement, je suppose que c’est l’établissement national universel de crédit qui s’en charge, donc que l’État s’autorise ses dépenses à volonté par crédit de cet établissement. Ce mode n’est pas gênant, bien qu’inélégant : si l’État vient à manquer de fonds, il suffit d’un crédit supplémentaire pour financer ses dépenses ainsi que l’économie privée, jusqu’à ce que les taxes rentrent.
La stabilité des prix telle que comprise par Lutte Ouvrière est nettement moins engageante : avec par décret, un revenu (salaire, pension, retraite) minimum à 1 700 euros mensuels nets ainsi que son indexation sur les prix. C’est un choc par la demande qui causera inévitablement de l’inflation, ainsi qu’un renchérissement fatal des coûts de production dans les secteurs employant beaucoup de mains-d’œuvre comme le plus souvent dans les services. Comme les revenus sont tous indexés sur l’inflation, ils augmenteront en réaction à l’inflation qu’ils ont causé, et cela en un cercle vicieux. Comme nombres de salaires, l’essentiel des pensions, et la totalité des retraites sont versés par l’État, c’est-à-dire par le crédit illimité de l’établissement universel national de crédit. Nous serions donc en pleine hyperinflation, à peine tempérée par l’hypertaxation des plus riches (par exemple à 100 % sur les revenus du capital). Nombres d’entreprises feront faillite, et ce d’autant plus facilement que l’interdiction des licenciements transforme leur masse salariale en piège parfait (intérimaires inclus). Le tissu économique serait alors un une année de ce traitement plus saccagée que pendant des décennies de notre classe politique actuelle…
Bien sûr, après un tel désastre, Lutte Ouvrière déciderait des changements, ayant retenu quelques leçons. Mais à quel prix ! Quant à spéculer sur la nature de ces changements, elle me semble claire : si Lénine avait fait la NEP, Staline a ensuite repris les choses en main et pour longtemps…
Conclusion
Quelle que soit la sympathie qu’inspirerait Nathalie Arthaud à mon lecteur, nul ne peut prétendre la défendre au nom du néochartalisme, génie de modération et d’équilibre comparé à cette furie.
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