La dernière nouvelle nous venant de Grèce est la goutte d’eau faisant déborder le vase de tous ceux qui voudraient encore croire en l’euro et en la construction européenne. Le Guardian nous apprennent que le gouvernement grec n’est parvenu à dégager un excédent primaire que par… un trucage des chiffres par la Commission européenne.
Très bref rappel des épisodes précédents. Les déficits publics son indispensables par exemple pour renflouer un secteur bancaire ayant pour la énième fois lamentablement échoué à fournir à l’économie une épargne stable, pérenne. Parmi ces innombrables pays, la Grèce, petit pays qu’il est plus facile de maltraiter lorsque la réalité ne cadre pas avec la mythologie. L’austérité, comme d’habitude, lamine la croissance, ce qui en période de récession signifie une plongée dans la dépression. Normalement, le pays souverain engagé dans ce mauvais pas décide de réduire l’austérité et/ou de dévaluer pour refiler la nécessité du déficit public aux pays étrangers. Mais pas la Grèce est entré dans ce sac de nœuds gordiens politiques qu’est l’euro, et ce grâce aux trucages des comptes — déjà — par Goldman Sachs (et qui en profité pour parier contre la santé de la Grèce) avec à la tête du service interne concerné Mario Draghi — re-déjà — l’actuel président de la BCE. Or, en zone euro, la banque centrale doit répondre à tous les États membres, donc à aucun, c’était l’un des buts de l’euro : ne pas pouvoir échapper à l’austérité budgétaire. La troïka (Commission européenne, BCE, FMI) exige toujours plus d’austérité, en expliquant que ça devrait finir par fonctionner. Devant les exigences imposées aux Grecs, le premier ministre d’alors Papandréou annonce un référendum fin 2011 sur cette nouvelle déferlante d’austérité (sous pression d’un retour de la dictature militaire ?). Mais, l’Union Européenne, à travers sa Commission et sa Banque Centrale, refusent que leur mirifique plan de sauvetage soit soumis à appréciation des manants qui en paieront le prix. La technocratie a concocté « la seule alternative possible », laisser les béotiens en discuter aussi serait impie ! Les sacrifices du peuple grec sont colossaux, leur pays est sinistré avec un quart du PIB perdu de 2008 à 2013 ; tout s’arrête petit à petit, comme le système de santé. Toujours faire confiance aux experts !
Les résultats sont d’énormes sacrifices pour aucune solution puisque déficit public il y a toujours. Que faire ? La Commission européenne, haut lieu concentrant les génies de la technique sociale et institutionnelle, annonce un surplus primaire du budget public grec de 2013 à hauteur de 1,5 milliards. Cela signifie-t-il que la Grèce est sortie d’affaire, qu’elle commence sa convalescence après plusieurs années d’hémorragie continue ? Non. Le solde primaire d’un budget public consiste à sommer toutes les recettes du budget publics, et à leur soustraire toutes ses dépenses sauf le versement des intérêts sur la dette publique préexistante. Il sert à mieux cerner d’où vient principalement les « fuites » du budget : est-ce le budget actuel qui est déséquilibré, ou est le fardeau des dettes passées qui pèsent trop sur lui ? Dans les deux cas, seul le résultat final importe, c’est-à-dire le solde budgétaire nominal. En effet, si les intérêts suffisent à dépasser le montant des recettes, cette dépense excédentaire est tout aussi génératrice de dettes supplémentaires que si elle provenait du budget voté par le parlement grec. Mais il y a tout de même un vague effet psychologique, l’idée que le chemin n’est certes pas accompli, mais qu’une étape est franchie. Le déficit nominal de 2013 est de 12,7 % selon Eurostat, le pire depuis 2010. Un déficit primaire, allégé du poids de l’énorme dette, est donc beaucoup plus présentable. Sauf qu’il pèse encore 8,7 % du PIB grec. Et la France qui a la plus grande peine à faire passer son déficit public nominal de 4,3 à 3 % de son PIB…
Restait la possibilité de faire bénéficier au déficit public grec d’un « traitement spécial » : en particulier, l’énième sauvetage de la finance grecque (il n’y a rien de pire que la récession permanente pour laminer un secteur bancaire), une dizaine de points de PIB à lui tout seul, a été soustrait au calcul.
Voilà assurément de quoi voir l’Union Européenne beaucoup plus en rose en cette campagne des élections européennes. Merci la Commission !