La vérité finit toujours par éclore…

Voici un très bon article par l’économiste Michael Hudson publié dans le prestigieux Frankfurter Allgemeine Zeitung du 6 décembre 2011 et dont voici la traduction française par Contre Info.

il met le doigt sur le fond du problème, c’est-à-dire la souveraineté monétaire (la pure création de monnaie), et moi qui consacre ce blog précisément à cette question, je ne résiste pas au triomphe de vous citer le paragraphe dont Contre Info a mis la première phrase en exergue :

Si l’euro éclate, c’est en raison de l’obligation faite aux Etats de payer les banquiers avec de l’argent qui doit être emprunté plutôt que créé par leur propres banques centrales. Contrairement aux États-Unis et à la Grande-Bretagne qui peuvent créer du crédit sur les claviers d’ordinateur de la banque centrale afin d’éviter la récession ou l’insolvabilité, la Constitution allemande et le traité de Lisbonne empêchent la banque centrale de procéder ainsi.

Cette bourde monumentale et obstinée n’est que le résultat de l’idéologie libérale, qui s’est tellement gargarisée de ses succès comme au XIXème siècle, qu’elle en a oublié les graves déficiences, déficiences qui ont manqué de peu de la perdre face aux totalitarismes du XXème. Lorenzo Bini Smaghi, membre du bureau exécutif de la BCE l’a récemment reconnu (Encore une bonne information donnée par Contre Info) en citant deux raisons à la crise de l’euro (qui n’en forment qu’une en réalité)  :

  1. L’hypothèse de l’absence de crise financière en dépit de toutes les évidences.
  2. L’hypothèse de perfection des marchés qui peuvent jauger le risque comme par magie.

Et comme le reconnait très explicitement Bini Smaghi, ces deux erreurs sont « chères aux économistes » — tout spécialement les libéraux, aurait-il pu ajouter — en dépit de leur inadéquation avec la réalité. Mais il est tellement plus agréable de concevoir une divine perfection plutôt qu’une machinerie robuste mais à l’air rustique en comparaison !

Joseph Eugene Stiglitz, autre Nobel d’économie, faisait exactement le même constat, mais en tirait les conséquences, lui :

La croyance dans la rationalité est bien ancrée dans la science économique. L’introspection – et, plus encore, un regard sur mes semblables – m’a convaincu que c’était une absurdité. J’ai vite compris que l’attachement de mes collègues au postulat de la rationalité était irrationnel, et qu’ébranler leur foi ne serait pas simple. J’ai donc choisi l’angle d’attaque le plus facile : j’ai accepté le postulat de la rationalité, mais j’ai montré que même d’infimes changements dans les hypothèses sur l’information modifiaient entièrement tous les résultats. À partir de là, on pouvait aisément déduire des théories qui semblaient beaucoup plus conformes à la réalité, dont de nouvelles théories du chômage, du rationnement du crédit et de la discrimination, et il était facile de comprendre pourquoi la structure financière des entreprises (leur choix de se financer en empruntant ou en émettant des actions) avait une énorme importance. […] Ils ont ignoré les analyses qui montraient que même de petites asymétries d’information pouvaient avoir de très gros effets. Ils ont aussi ignoré, purement et simplement, les nombreux traits de l’économie réelle — dont les épisodes répétés de chômage massif — qui ne pouvaient être expliqués par des modèles où l’information est parfaite. Ils ont préféré se concentrer sur quelques faits qui étaient compatibles avec leurs modèles. Toutefois, ils n’avaient aucun moyen de prouver que le marché était presque efficace. C’était une position théologique, et on a vite compris qu’aucune preuve, aucune recherche théorique ne les ferait changer d’avis. […] La cathédrale de l’économie orthodoxe a de nombreuses chapelles, consacrées à des problèmes spécialisés. Chacune a ses prêtres et même son catéchisme.

STIGLITZ Joseph Eugene, Le triomphe de la cupidité, Les liens qui libèrent, Paris, 2010, 473 p., p. 396-397, 390, 409

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